Vérité dans certains cas !
Dans un élevage avec un profil infectieux de type environnemental, il est possible que la mise à l’herbe améliore la situation. Prenons l’exemple d’une aire paillée qui n’est pas curée assez souvent, soit par
manque de temps ou de main d’oeuvre, soit par impossibilité d’épandre le fumier, soit parce que la configuration du bâtiment rend le curage difficile, soit pour toute autre raison. Dans ce cas, la litière chauffe et sa température passe au-dessus de 35°C. Ces conditions sont propices à une forte multiplication de bactéries et notamment de Streptococcus uberis. Dès que les vaches se couchent, leur mamelle est directement en contact avec la source de contamination. D’autant plus si elles se couchent dans les 30 minutes après la traite, alors que les sphincters de leurs trayons sont encore ouverts. Dans un tel cas de figure, la mise à l’herbe des vaches va permettre d’améliorer les choses, puisqu’elles n’auront plus (ou beaucoup moins) accès à l’aire paillée, et donc à la source de bactéries.
Mais souvent idée reçue !
Toujours dans le cas d’un profil environnemental comme ci-dessus : attention néanmoins à ce que le problème ne se transpose pas dans la pâture. En effet, pendant les journées chaudes et ensoleillées, les vaches ont tendance à s’agglutiner toutes ensemble sous les arbres ou le long des haies. Une zone, où elles vont rester, bouser, se coucher. Il s’agit donc d’un lieu de couchage qui est lui aussi contaminant, avec un développement plutôt d’entérocoques ou d’Escherichia coli. D’où l’intérêt d’avoir des zones ombragées étendues, ou du pâturage tournant pour limiter la vitesse à laquelle ces zones se souillent. Les zones boueuses ou avec des eaux stagnantes (autour des abreuvoirs) peuvent aussi présenter un risque de contamination des mamelles, notamment avec Serratia marcescens ou encore Prototheca (une algue). On voit donc avec cet exemple que la mise à l’herbe ne résout pas le problème : elle ne fait que le déplacer.
Prenons maintenant un autre cas, avec un élevage dont les mammites et cellules sont dues à des bactéries à réservoir mammaire, comme le staphylocoque doré. Cette bactérie se transmet d’une vache à l’autre à l’occasion de la traite, lorsque l’hygiène n’est pas suffisamment satisfaisante. Ainsi, que les vaches soient dans le bâtiment ou en pâture, cela n’aura pas d’impact sur la santé mammaire du troupeau.
Est-ce que je peux alléger mon protocole de traite ?
Du fait de l’exemple ci-dessus, la prudence aurait raison de répondre non. Avec une bactérie à réservoir mammaire qui circule dans l’élevage, réduire son protocole d’hygiène à la traite pourrait avoir des conséquences très importantes. Le protocole ne doit donc pas être allégé, mais il peut être adapté. En effet, lorsque les vaches sortent, il est possible qu’elles traversent des zones boueuses, et qu’elles soient plus sales qu’en bâtiment, où leur propreté peut être maîtrisée grâce à l’entretien de la litière. Ainsi le nettoyage des trayons nécessitera d’être plus minutieux.
Par ailleurs, les gestes d’hygiène, comme le pré-trempage, ont aussi pour but de préparer la mamelle à l’éjection du lait. Ainsi, une mauvaise stimulation peut engendrer une vidange insuffisante du lait, et donc une persistance des bactéries présentes dans les quartiers. De plus, au printemps les jours peuvent encore être froids, venteux ou humides. La peau des trayons est agressée et s’assèche. On observe alors des gerçures, voire des crevasses, qui sont d’excellents réservoirs pour abriter des bactéries responsables de mammites. Certaines vaches peuvent être sensibles aux UV du soleil : là aussi la peau des trayons est agressée. Dans ces cas-là, on pourra utiliser un post-trempage plus cosmétique que celui utilisé habituellement. Il faut garder les vaches à l’abri du vent pendant une demi-heure après la traite, pour que le produit de post-trempage soit sec. Attention également à enlever tous les objets présents dans les pâtures et qui pourraient engendrer des blessures sur la mamelle et les trayons (fils barbelés, tas de bois, branches cassées).
Quelles autres précautions ?
Même si les vaches sont dehors, il faut continuer à entretenir le logement, pour prévoir une éventuelle rentrée urgente des animaux à cause de la météo. Dans le cas d’une aire paillée par exemple, il est indispensable de la curer comme à l’habitude (avant que la température de la litière ne dépasse 35°C). Si les vaches sont dehors jour et nuit, il est nécessaire de curer complètement l’aire paillée pour éviter que la litière ne se composte. Car si les vaches y accédaient de nouveau après quelques jours ou semaines, la litière non entretenue serait très contaminante et les conséquences catastrophiques pour les mamelles.
En pâture, ne pas laisser l’accès à des zones où du fumier a été stocké pendant l’hiver, ou à des zones de distribution de fourrage qui s’en retrouvent souillées. Pour ne pas affaiblir l’immunité des vaches, il est important de bien gérer la transition de la mise à l’herbe, notamment sur le plan alimentaire (éviter l’excès d’azote).
Enfin, l’arrivée des beaux jours rime avec l’arrivée des mouches. Celles-ci peuvent transporter des bactéries de trayon en trayon, notamment des staphylocoques à coagulase négative. C’est un point qui fait partie intégrante de la prévention des mammites et cellules (cf article sur la gestion des mouches p.23)
Que retenir ?
La mise à l’herbe n’est pas forcément synonyme d’amélioration de la santé mammaire. Pour que cette phase se déroule au mieux, il est primordial de connaître le ou les pathogènes qui circulent dans le troupeau. Une analyse PCR sur lait de tank permet de savoir quels agents pathogènes circulent dans l’élevage (service BactérioDétect chez Seenovia). En fonction du résultat, elle vous aiguillera vers les mesures de prévention les plus pertinentes. Ainsi vous pourrez piloter la mise à l’herbe de votre troupeau de façon sereine, en agissant sur les meilleurs leviers d’action pour une bonne santé mammaire.
Dans tous les cas, maintenir l’hydratation des trayons favorisera une peau lisse et donc une surface d’accueil des bactéries réduite. Pour rappel, le premier objectif d’un trempage en fin de traite est d’assurer cette hydratation.
Article co-écrit
Dr Vincent Chaumard (Vétérinaire conseil)
Mathilde CHAUVAT (Expert Qualité du Lait)