"L’élevage des génisses, ça nous a vraiment plu"
Mathieu VECHAMBRE est éleveur à Saint-Hippolyte (17). Après l'arrêt de la production laitière, il a développé un atelier méthanisation et un élevage de génisses en délégation dans le cadre de DélegGénisse. Il nous présentes les avantages qu'il trouve dans sa nouvelle organisation !
Mathieu VECHAMBRE, EARL l’Eolienne
Installé depuis 2007 avec son frère à Saint-Hippolyte (17)
230 ha dont 50 ha de prairies naturelles
Spécialisé dans l’élevage des Génisses depuis 2020
2 lots de 20 génisses dans le cadre de DélegGénisse
Comment vous est venu l’idée de vous spécialiser dans l’élevage des génisses ?
Il y a 4-5 ans, nous avons décidé d’arrêter le lait. Sachant que notre atelier lait était vieillissant et que le bâtiment des vaches n'était plus du tout adapté, il aurait fallu à moyen terme réinvestir. Mais nous ne le souhaitions pas vu les cours du lait incertains.
On avait l’idée d’un projet de méthanisation, c'était une partie de la solution de remplacement pour l'atelier lait, sauf qu’il y a quatre ans on n’était pas sûr d'aller au bout du projet, donc on cherchait d’autres pistes.
On avait un bâtiment génisses et nurserie des veaux qui étaient assez bien, sans être récents, mais bien pensés et bien organisés. On trouvait cela dommage de perdre ces bâtiments et donc quand on nous a proposé l'élevage de génisses, c'était parfaitement adapté au matériel qu’on avait et puis au temps qu'on pouvait confortablement y consacrer.
Depuis février, on a lancé l’atelier de méthanisation dont je m'occupe. Cet atelier, plus celui des génisses, remplacent complètement l'atelier lait aujourd’hui.
Vous aviez d’autres pistes que l’élevage des génisses en complément de la méthanisation ?
En élevage non, parce que ni mon frère ni moi n'étions intéressés par l'élevage allaitant et il aurait fallu refaire tous les bâtiments. Aucun n’était adapté à l'élevage allaitant. On nous a proposé de l'engraissement, pendant un temps je me suis penché sur la question. Le bâtiment des génisses aurait pu être modifié, ou même celui des vaches, pour l'engraissement mais ce n’était pas un atelier qui nous intéressait plus que ça. Et l’élevage des génisses, ça nous a vraiment plu.
Comment s’est déroulée la transition ?
On voulait arrêter les vaches en douceur, les dernières génisses nées sur notre exploitation ont été emmenées jusqu'à l'âge adulte et on fait un an de lactation pour se rembourser de leur croissance. On n'a pas arrêté les vaches du jour au lendemain, ça a été planifié sur quatre ans.
On a commencé doucement DélegGénisse, au fur et à mesure qu’il y avait de la place dans les bâtiments, on augmentait la quantité de génisses. J’ai commencé par onze génisses, déjà pour me rendre compte de ce que c'était, si on était capable d'atteindre les objectifs parce que nous avons toujours travaillé en vêlage trois ans. Le cahier des charges DélegGénisse, c’est un vêlage 2 ans. Je ne voulais pas non plus me lancer sans être sûr de pouvoir atteindre ces objectifs. Et finalement, ça se fait ! On suit les six premiers mois de vie de la génisse (c’est déjà ce qu'on faisait avant) et après ensuite, c’est qu’une histoire de calage de ration ! C’est une ration qui coûte forcément plus chère mais qui est plus performante. Et on arrive à atteindre les objectifs ! En plus, le suivi bovins croissance est assez rassurant. Cela permet de redéfinir les objectifs si besoin.
Cela a été compliqué d’atteindre le vêlage 24 mois ?
C’était un chamboulement, mais au final pas tant que ça, parce que l'obligation de peser tous les trois mois apporte une sécurité. C’est vrai qu’avant je ne pesais jamais mes génisses.
J’étais en vêlage trois ans, on les poussait sur les six premiers mois parce qu’on savait que c’est sur cette période qu’elles valorisent le mieux les concentrés. Mais après, elles étaient beaucoup au pâturage. On avait un élevage « tranquille », on avait notre réglage, on savait que ça marchait et on ne se posait pas trop de questions sur les génisses.
Là, d’avoir des objectifs de croissance à atteindre et en plus pour quelqu’un d’autre, c’est une petite pression quand même ! Mais finalement, j'ai redécouvert la technique d'élevage de génisses. Après trois ou quatre ans, on se rend compte que c'est parfaitement atteignable. Il faut un peu plus de rigueur !
Finalement, j'ai redécouvert la technique d'élevage de génisses
Vous arrivez facilement à concilier le temps de travail sur les 2 ateliers, méthanisation et génisses ?
Sur l'aspect travail en lui-même, il y a seulement la période des deux/trois premiers mois d'arrivée du lot où il y a plus de travail, il faut faire boire les veaux au seau, il faut les suivre de près, il y a la vaccination… Il y a pas mal de petites choses qu’il ne faut pas rater sur les trois premiers mois et c’est un peu plus chronophage que le reste de l'année.
Et après, à partir de six mois, lorsque les veaux changent de bâtiment, et qu’ils ont une ration sèche simple, je passe une petite heure le matin et une demi-heure le soir pour redonner à manger, et puis c’est fait et c’est réglé. C'est vraiment la première phase des deux trois premiers mois qui est chronophage mais on a fait en sorte que les lots arrivent en hiver au moment où on a le plus de temps disponible, où on n’a pas à aller dans les champs.
Je passe une petite heure le matin et une demi-heure le soir pour redonner à manger, et puis c’est fait et c’est réglé.
C’est le seul avantage de cet atelier ?
Pour nous l'avantage aussi c'est qu'on a des prairies naturelles et il n’y a que les animaux pour les valoriser. Ce sont des marais, c'est inondable et inondable par de l’eau salée donc incultivable. Sur les 50 ha, on a une partie de foin qu’on vend et le reste pour nos génisses. On perçoit également des aides agro-environnementales, qui sont conditionnées au fait d’avoir des animaux. Si je n’avais pas d’animaux, je perdrais ces primes-là et je pourrais seulement vendre le foin.
Quel est l’intérêt de se spécialiser dans l’élevage des génisses ?
Je pense que c'est l'idéal quand on arrête le lait et qu'on a des bâtiments qui restent malgré tout fonctionnels, parce que c'est du travail qu'on maîtrise qu'on connaît par cœur et donc il est naturel à faire. Ce n’est pas une nouvelle activité puisque c'est quelque chose qu'on faisait déjà, même s'il faut le faire « mieux » parce qu’on a le cahier des charges et qu’on a des comptes à rendre. Ce ne sont pas nos animaux, si on fait une erreur sur nos génisses, on peut s’en prendre qu’à nous-mêmes. Travailler pour les autres, il faut travailler encore mieux. Si les bâtiments sont déjà fonctionnels pour son propre troupeau, on peut facilement élever des génisses pour les autres !